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LE PÈRE GRIGNION DE MONTFORT

Mais l’église est déserte, elle est abandonnée,
Une heure qu’on y passe y paroît une année.

On y vient quelquefois, le soir ou le matin,
Pour voir, pour être vû, pour couper son chemin,
Pour entendre un sermon qu’un grand abbé prépare,
Mais pour Jésus-Christ même, oh ! que la chose est rare !

Voyez l’abbé poli, voyez le libertin
Entrer en nos saints lieux avec un air hautain,
En riant, en courant peut-être après la bête,
Et même quelquefois sans découvrir sa tête.

Proche du bénitier il se découvre enfin,
Il prend de l’eau bénite avec un grand dédain,
D’une croix estropiée il signe sa poitrine,
Ou plutôt à la mode, il se joue, il badine.

Un seul genouil en terre, ou comme un chien couchant
Il recherche des yeux l’objet de son penchant.
Il cause, il se promène, il sourit, il salüe ;
Il n’en feroit pas plus s’il étoit dans la rue.

Souvent il n’y vient pas pour adorer Jésus,
Mais pour y révérer la déesse Vénus ;
Ses regards, ses soupirs, ses gestes, sa posture,
Y sont sacrifiez à quelque créature.

Malheur ! jusqu’en l’église il râpe le tabac,
Il en donne, il en prend et ab hoc et ab hac,
Et cela, sans scrupule, aveuglement étrange !…

Ce n’est pas tout ; à côté de cet élégant, le saint prêtre nous peint une coquette :

Une femme éventée, enflée en son brocard,
Sur ses souliers mignons, la tête à triple étage…