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LE PÈRE GRIGNION DE MONTFORT

Il vend son âme avec sa bête,
Il perd son Dieu : quelle conquête !
Gagne petit.

Le principal défaut de ces ingénieux morceaux est justement de n’être pas de la poésie : c’est de la prose rimée vaille que vaille, sans grand souci de la prosodie et de l’expression ; il faut pardonner au pieux auteur en faveur des conditions du genre, de la noblesse du but et de l’absence totale de prétentions littéraires ; si je ne craignais d’employer un mot profane, je dirais que c’est de la poésie chrétiennement utilitaire. Il y a plus de vigueur encore, et quelque idée du style, dans les cantiques contre la danse et le bal, cet encens de Vénus :

Les pas sont si mesurez,
Les cadances sont si belles,
Les auteurs si bien parez,
Et les chansons si nouvelles,
Qui pourroit s’empêcher d’aimer ?


contre la comédie et les spectacles, où le Père Montfort se montre aussi rigoureux pour les baladins que Bossuet l’avait été pour Molière :

Malheur à vous qui riez !


leur dit-il, comme le grand évêque au grand poète. Il faut signaler à part le curieux cantique sur les dérèglemens de Rennes ; on ne peut s’empêcher en lisant ces vers, où l’amertume se complique de ressentiment, de songer à la description que Marbode a