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L’ABBÉ DE FRANCHEVILLE

Deâ, et il me trouve aussi une espèce de divinité, non de la plebe degli Dei[1] ; pour moi, je ne me crois qu’une divinité de campagne. Mais, voulant rassurer M. de Grignan, qui peut craindre que je ne l’épouse, je l’avertis qu’une autre veuve, jeune, riche, d’un bon nom, l’a épousé depuis deux ans, touchée de son esprit et de son mérite, ayant refusé des présidens à mortier, c’est tout dire ; et lui, après avoir été recherché de cette veuve, comme il devoit la rechercher, a enfin cédé à l’âge de soixante ans, et a quitté son abbaye, pour n’avoir plus d’autre emploi que d’être un philosophe chrétien et cartésien, et le plus honnête homme de cette province. Il est toujours à son château, et sa femme, jeune et bien faite, ne croit rien de bon que d’y être avec lui. Il est venu voir mon fils et moi ; et, si nous sommes fort aises de causer avec lui, nous croyons qu’il est ravi de causer avec nous. Cet homme ne vous déplairoit pas : il s’appelle présentement M. de Guébriac ; il est venu de quatorze lieues d’ici nous faire une visite ; l’idée qu’il a de vous me fait plaisir : je ne pourrois guère m’accommoder d’un mérite qui n’auroit aucune connaissance du vôtre[2]. »

J’ai longtemps cherché, sans succès, le nom de cette jeune et riche veuve, qui refusa des présidents à mortier, pour épouser enfin l’abbé de Francheville. Le Cabinet des titres et Saint-Allais m’ont livré la clef de l’énigme. Il s’agit de Jeanne-Françoise de Marbœuf, fille, petite-fille et sœur de trois présidents au parlement de Bretagne, et veuve de Jean-François-Marie du Han, comte du Han, conseiller au même parlement. Elle était donc cousine par alliance de l’abbé, dont la mère

  1. Citation de l’Aminte du Tasse. Il me paraît inutile d’ajouter que la précédente est de Virgile.
  2. Sévigné, édit. Grouvelle, X, 132-133.