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CATHERINE DESCARTES

Elle force bientôt l’esprit le plus rebelle,
Et manqua-t-on jamais à la faire goûter,
Lorsqu’avec tant de grâce on se fait écouter ?
De faux dogmes détruits et d’erreurs étouffées,
Vous allez m’ériger cent illustres trophées ;
Par vos illustres soins mes écrits, à leur tour,
De tous les vrais savants vont devenir l’amour ;
J’aperçois nos deux noms, toujours joints l’un à l’autre,
Porter chez nos neveux ma gloire avec la vôtre ;
Et j’entends déjà dire, en cent climats divers :
Descartes et La Vigne ont instruit l’univers !
Car enfin, je l’avoue, et veux bien vous le dire,
La sage Élisabeth, la gloire de l’Empire,
Dont l’esprit surpassa les merveilleux attraits,
— Les morts ne flattent pas ! — ne vous valut jamais.
Aussi j’attends de vous cet insigne miracle,
Qu’enfin la vérité ne trouve plus d’obstacle,
Et que, malgré l’erreur et la prévention,
Tout l’univers entier n’ait qu’une opinion.
Je sens pourtant troubler ces grandes esperances,
Quand je vous vois cacher ces belles connoissances,
À vos meilleurs amis en faire un grand secret,
Et, quand vous en parlez, n’en parler qu’à regret.
Ah ! loin de les cacher sous un cruel silence,
Croyez-moi, donnez-leur toute leur éloquence,
Et, pensez qu’après tout, elles méritent bien
Que pour les faire aimer on ne ménage rien.
S’il est vrai que pour moi vous ayez de l’estime,
Pourquoi de la montrer vous faites-vous un crime ?
Pensez-vous, en m’aimant, vous faire quelque tort ?
Qui peut trouver mauvais que vous aimiez un mort ?
Mais ce n’est pas assez de m’aimer en cachette,
Qu’un vivant soit content de cette ardeur secrète :
Comme parmi les morts, la gloire est le seul bien,
Être aimés en secret ne nous tient lieu de rien !
Ainsi dites partout que j’ai touché votre âme,