Page:Halgan - Anthologie des poetes bretons du 17e.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.
5
NICOLAS DADIER

La Vierge le sçavoit, et condamnoit, très sage,
Ce qui pouvoit blesser les vertueuses mœurs,
Imitoit, en lisant, l’avette cueille-fleurs ;
Elle brodoit tantost quelque robe de laine,
Tantost elle filoit la soye Tyrienne,
Ou bien elle ourdissoit une toile de lin,
Pour en faire au grand prestre un neigeux surpelin.

Cette époque de transition, où des souvenirs de Rome paeïnne se mêlent confusément aux épanchements d’un christianisme naissant, est peinte avec un charme naïf. C’est avec un redoublement d’allégresse et comme un débordement de gaieté, que Dadier retrace les fêtes du mariage de la Vierge, et les élans joyeux du vieux Joachim.

Et mesme quelquefois, oubliant la foiblesse
Et le morne chagrin de sa blanche vieillesse,
Il prononce hardiment des mots facétieux,
Et s’esclate d’un ris modeste et gracieux,
Puis ses gens sollicite, et hastif leur commande
De couvrir, pour souper, les tables de viande,
Ordonne d’apprester les chambres et le lict,
Et d’espandre par tout le spacieux logis
Toutes sortes de fleurs et d’herbes odorantes ;
Outre, il fait revestir les poultres traversantes
De lyerres espais, les porteaux d’oliviers,
Et les huis virginaux de verdoians lauriers,
Fait semer sous les pieds les œillets et les roses
Et maintes autres fleurs nouvellement décloses
Qu’Anne pour cet usage avoit expressément
En son mignard jardin nourries chèrement.

Il faut nous arracher aux molles séductions de cette poésie, pour donner une attention plus sou-