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CATHERINE DESCARTES

Virent ce grand génie en péril d’abîmer :
L’aimant, dont les côtés aux deux pôles répondent,
Et qui l’esprit humain et la raison confondent,
L’un semble aimer le fer, et l’autre le haïr,
Si l’un sait l’attirer, l’autre le fait fuir ;
La mer, dont elle voit tantôt le sable aride,
Et tantôt inondé par l’élément liquide.
Ce réglé changement, écueil de la raison,
Indépendant des temps, des vents, de la saison,
De Christine épuisoit le merveilleux génie ;
Tout ce qu’en tous les temps dit la philosophie,
Aristote, Platon, Démocrite, Gassend,
Offrent à cette reine un secours impuissant ;
Elle en connoît le foible, et sa recherche vaine
Augmente son ardeur et redouble sa peine.
Quel sort pour ce grand cœur, dans son espoir trompé,
Du désir de savoir sans relâche occupé !
Un jour, l’esprit rempli de ce dépit funeste,
Elle crut voir paroître une femme modeste,
D’un air sombre et rêveur et d’un teint décharné,
Puis elle entend ces mots : « Vois l’illustre René !
Seul entre les mortels, il peut finir ta peine ;
Connu chez les Bretons, il naquit en Touraine ;
Aujourd’hui près d’Egmont, et le jour et la nuit,
Il médite avec moi, loin du monde et du bruit.
Entends-le, c’est l’ami de la philosophie. »
Elle dit et s’envole ; et Christine ravie,
Avide de savoir, ne croit pas que jamais
Elle puisse assez tôt l’avoir en son palais.
Cependant, enchanté du plaisir de l’étude,
Jouissant de lui-même et de sa solitude,
Le sage en ce repos voudroit bien persister ;
Mais aux lois d’une reine il ne peut résister.
Tu quittes pour jamais ta charmante retraite,
Grand homme, ainsi le veut du Ciel la voix secrete.
Pour instruire une reine, il s’avance à grands pas,