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PHILIPPE LE NOIR

qui ne manque pas d’une certaine grandeur : dans une amplification qui rappelle le récit d’Anchise, levant, aux yeux d’Énée, le voile qui recouvre les destinées de Rome, nous voyons défiler tour à tour Titus et Constantin, Charlemagne et les Croisades. Un véritable souffle poétique anime et soutient tout le quinzième chant. Quoique l’effort se trahisse souvent dans les vers de Le Noir, ils ne sont pas ici trop au-dessous des merveilles qu’ils décrivent. Les bienheureux entonnent des cantiques d’allégresse, la Jérusalem céleste ouvre ses perspectives infinies, le char de Jésus triomphant étale ses splendeurs orientales. À défaut de génie ou même d’un grand talent, il fallait une émotion profonde, une ardeur de foi surhumaine, pour ne pas demeurer écrasé sous le poids d’un tel sujet.

Le vol de l’aigle, de Dante ou de Hugo se soutient seul à ces hauteurs ; j’épargnerai à Philippe Le Noir une louange maladroite, quoiqu’il ait précisément décrit l’aigle en assez beaux vers :

Comme le roy volant des habitants de l’air,
Dont l’œil peut regarder le soleil et l’éclair,
Après avoir fondu sur une riche proye
Qu’il déchire à loisir, qu’il dévore avec joye,
Après s’estre repeu des restes de la mort,
S’élance fortement et se donne l’essort ;
Son plumage étendu se dérobe à la veüe,
Et monte dans les airs au dessus de la nüe. (Ch. XV.)

Voilà une comparaison ; elles portent bonheur à notre poète, surtout celles qui, faisant diversion aux