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PHILIPPE LE NOIR

traducteur, et, dans le fait, il se borne presque toujours à paraphraser fidèlement le Nouveau Testament, les Actes des Apôtres, les Épîtres de saint Paul, l’Apocalypse. Il faut le regretter : toutes les fois que notre auteur est lui, qu’il ne s’astreint pas à suivre servilement un inimitable et insaisissable modèle, il a une sincérité qui plaît, parfois une bonhomie qui charme. Ne lui demandez pas ces élans inspirés, de ces coups d’ailes vers l’infini qui, dans un sujet analogue, élèvent et transportent la grande âme de Klopstock ; à défaut de la « majesté » que M. Vaurigaud a cherchée en vain dans les vers de Le Noir, « la simplicité, la naïveté du style, » qu’il lui accorde, ont bien quelque mérite. On ne regrette pas trop, en vérité, de s’être armé de courage, et d’avoir lu, d’un bout à l’autre, ces dix mille vers que l’éditeur de 1664 appelle « un très petit nombre ; » o sancta simplicitas ! Et puis, à la lecture des passages originaux, on se sent pris de sympathie pour l’homme modéré et bon, pour le ministre d’une religion « qui s’est gardé scrupuleusement de ne choquer l’autre religion, afin que tous les chrestiens, sans distinction, puissent venir apprendre en son livre, non pas l’art de disputer, mais la science salutaire d’adorer Jésus. » Le Noir s’est tenu parole ; il n’y a pas un mot, dans son poème, dont puisse s’alarmer le catholique le plus rigoureux. L’approbation de tous les honnêtes gens dut être plus flatteuse pour cet homme dont la touchante modestie éclate dans son épître dédicatoire à Mme Marguerite de Rohan, que les louanges hyper-

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