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RENÉ DE CERIZIERS

N’y plante point le fer de ses coutres tranchants,
Qu’il n’en ait arraché la fougère et les herbes ;
Le miel est plus délicieux
Quand une liqueur bien amère
Prépare nostre goust à ce boire des Dieux,
Qui surpasse en douceur le sucre de Madère ;
Les astres ont plus de beauté
Après le règne des orages ;
Les lumières du jour ont plus de majesté,
Lorsque une sombre nuict a chassé ses nuages.

Il y a là un « sucre de Madère » que n’a pas soupçonné Boëce ; mais le tour de force poétique qui suit, trop semblable à ces devises qui s’enroulent autour des mirlitons, est calqué sur le modèle latin :

Semblable à ces petits voleurs
Qui desrobent aux fleurs
Leur douce mane,
Le plaisir profane,
Offrant ses attraits,
Laisse tous ses traits
Dedans l’âme
Qu’il enflamme,
Et pour un peu de miel,
Dont il flate les cœurs, il les remplit de fiel.

Le Père de Ceriziers, tout admirateur qu’il fût de Boëce, regrettait que ce grand philosophe, si chrétien cependant, n’eût tiré, des souffrances de Jésus-Christ sur la croix et de l’application que chaque fidèle en peut faire à soi-même, aucun de ses motifs de consolation ; c’est précisément pour combler cette lacune, et encouragé sans doute par le succès de sa