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PAUL HAY DU CHASTELET

avec celle de la plupart des contemporains envahie par le maniérisme et l’afféterie, on se prend à regretter vivement que du Chastelet ne nous ait pas laissé plus d’ouvrages. On n’était pas habitué à ce ton en 1627. Malherbe était sur le point de mourir : Maynard et Racan, héritiers directs de ses leçons, continuaient les saines traditions de son style, et Godeau se préparait à les suivre ; mais les fadeurs de l’Astrée et surtout les antithèses des Italiens commençaient à amollir les vers : les concetti s’introduisaient peu à peu dans la place et tous les lecteurs allaient bientôt se pâmer d’aise devant la métamorphose des yeux de Philis en astres. Du Chastelet n’en a que plus de mérite à nos yeux d’avoir su résister à cet entraînement. Écoutez encore cette description de la cour :

Quelqu’autre, ensorcelé des charmes de la cour,
Quitte de ses parens l’agréable séjour,
Abandonne les lieux où le sort l’a fait naître ;
Sa liberté le fâche, il veut avoir un maître
Et sortir du repos pour entrer dans le bruit,
Où le vice peut tout et le mérite nuit ;
Où la vertu d’un siècle en un autre est un crime,
Où chacun à son tour comme vague s’opprime,
Où mentir est un art, où l’infidélité
A de plus beaux autels que n’a la vérité,
Où le plus offensé fait la meilleure mine
Pour cacher sa colère à celui qui domine ;
Où l’homme impatient de savoir l’avenir
Dans un état présent ne se peut contenir.
Il dévore le temps et commençant l’année
En désire déjà la dernière journée.
Combien de soins cuisans dévorent ses esprits