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PAUL HAY DU CHASTELET

après la mort des deux poètes et tous les contemporains s’accordent à la donner à du Chastelet :

Sous un calme trompeur, le monde a mille écueils.
Ses doux embrassemens, ses faciles accueils
Sont les liens dorés de notre servitude ;
Bienheureux est celui qui dans la solitude
Admire la grandeur des cèdres seulement,
Ne voit que des saisons l’aimable changement,
Et couché sur le sein des innocentes herbes
N’adore point le seuil de ces portes superbes
D’un cabinet gratté d’un tas de mécontens
Qui perdent à la fin les ongles et le tems.
Plus haut que le soleil notre assurance habite
Ce qui se meut sous lui, par le sort se limite ;
Le hasard est plus fort que n’est le jugement,
Rien ne s’y peut former que par le changement ;
Et vous seul, ô Seigneur, avez la connoissance
De l’ouvrage naissant de vostre Providence ;
Nos esprits par les sens sont tousjours empeschés ;
L’erreur et le désir aux hommes attachés,
Dans ce cercle infini ne trouvent point d’issue ;
Peu de gens ont le fruict, et tout le monde sue…

Ce début est plein de promesses : la manière en est large, et l’on y reconnaît l’école de Malherbe. Plusieurs vers sont fort bien frappés :

Plus haut que le soleil notre assurance habite,


est d’une facture noble et magistrale. On remarquera aussi cette comparaison sur les généreuses illusions de la jeunesse :

Le fleuve le plus grand fait-il voir en sa source
Tout le bien et le mal que doit faire sa course ?