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émile nelligan

canadiens peuvent donc lui savoir un gré infini, et il nous semble, en comparant ces diverses leçons des poésies de Nelligan, que nous ayons la preuve matérielle et tangible de cette excellente influence.

IV

Conclusion

Tandis que le pauvre Nelligan achève lentement de mourir, que le poète de l’Idiote aux cloches voit peut-être dans sa pénombre intellectuelle scintiller de fantasques phosphènes, ce n’est pas sans tristesse que nous avons lu son œuvre intégrale, incomplète, ruine neuve à laquelle manque la patine du temps. Nous pouvons, avec Ronsard, accuser la vraiment marâtre nature, nous devons plaindre le Canada français de la perte qu’il a faite. Si ce jeune homme, doué comme il l’était, avait pu remplir sa destinée au lieu de saluer avec chagrin cette œuvre mélancolique et tronqué, nous acclamerions en lui le poète que son pays s’essaye à produire depuis cinquante ans. Il y a en effet dans l’œuvre de Nelligan des accents d’une profondeur à laquelle le Canada ne nous avait point accoutumé. Ses poètes sont trop souvent — et les études que nous avons publiées jusqu’ici le montrent à qui sait lire — des amplificateurs qui développent à l’occasion d’un anniversaire ou d’une cérémonie, des lieux communs vingt fois rebattus. Quand on a lu les œuvres estimables et souvent émouvantes qui voient le jour au bord du Saint-Laurent, et qu’on ouvre le recueil de Nelligan, on sent par la