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XII
À M. Louvigny de Montigny

et mes tendances me permettaient de le faire.

Il ne saurait me convenir de blâmer vos compatriotes si leurs idées ne concordent pas toujours avec les miennes. Je ne cherche à faire aucune propagande, de quelque sorte que ce soit, et ce livre ne renferme point d’arrière pensée. Si le Canada ne jouit pas et ne peut pas jouir de son autonomie littéraire, il garde jalousement son autonomie philosophique et morale, et ne saurait demander à Paris le mot d’ordre. Les Français qui ont parlé de votre pays ont trop souvent oublié cette vérité et les mieux intentionnés parfois se sont heurtés à une sorte de susceptibilité chatouilleuse qui ne saurait admettre les leçons, les critiques ou la pitié.

Votre plus grand homme d’État traitait de foreigner un officier de l’armée impériale. Ne sommes-nous point devenus par la force même des choses, nous aussi, des étrangers parmi vous ? Si donc les conditions sociales au milieu desquelles vous vivez vous satisfont, vous assurent le bonheur, tant mieux pour vous. Ce n’est pas à nous à vous la reprocher et peut-être, au milieu des incertitudes de leur pensée, ceux qui dans notre France en travail d’une humanité nouvelle sentent résonner dans leur âme les cloches obstinées de la ville d’Is, sont-ils plus près de vous envier que de vous plaindre. Nous avons seulement le droit de vous demander la même réserve, et vous m’en voudriez, au moment où il est question pour votre Province de renoncer à nos trois couleurs, si j’avais, moi Français qui dois tout à la France, trouvé pour