Page:Halden-Nouvelles études de littérature canadienne française, 1907.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VI
À M. Louvigny de Montigny

de la France, en tuant l’industrie des forbans littéraires.

Espérons qu’elle ne ressuscitera pas.

Plus de trois ans se sont écoulés déjà, mon cher ami, depuis l’apparition de mes précédentes Études, depuis que la question des droits d’auteurs pour laquelle vous faisiez alors campagne dans le Nationaliste, nous permit de nous connaître, et de commencer ces relations épistolaires.

De loin, chacun de nous a su qu’un autre s’intéressait à ses travaux, à ses joies, et même à ses douleurs, quand le malheur inévitable venait nous visiter. Trois ans déjà… Que de camarades nous avons laissés sur le bord de la route, frappés par la mort. Et ce livre commencé à Paris s’achève bien loin de la ville où j’en composai la première page.

C’est du cœur des montagnes corses que je vous écris. Elles sentent la menthe et la sauge, et les lentisques leur donnent un aspect singulier et lointain. De tous petits ânes passent, trimballant sur leur croupe, le long des haies d’aloès, de vigoureux gaillards vêtus de velours marron. La vieille citadelle de Coite, nid d’aigle qui se renfrogne, sur son rocher abrupt, domine le lit torrentueux, mais à sec, d’une rivière au nom italien et sonore. Ce coin n’est presque plus la France. Sans doute les Corses protestent à cette assertion, et il est bon qu’il en soit ainsi. Depuis un siècle et demi, nous suivons des destinées communes.