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V
À M. Louvigny de Montigny

Comme vous l’avez montré dans de brillants articles, on pouvait impunément jusqu’ici reproduire les œuvres de nos écrivains au Canada, sans leur verser un sou, sans même citer leurs noms. On mesure l’étendue du préjudice, quand on songe que la France est par la force des choses le grand fournisseur intellectuel du Canada, et que la Province de Québec reproduisait dans tous ses journaux les ouvrages français, sans même que les professionnels de cette exploitation eussent l’air de se douter qu’ils agissaient comme des voleurs de grand chemin ou des pick-pockets.

Mais nous ne voudrions, ni vous ni moi, nous en tenir à ce point de vue purement matériel. Vous avez obéi à des considérations plus hautes, et l’intérêt des écrivains français ne tenait que la seconde place dans vos préoccupations. Il s’agissait pour vous de la littérature canadienne elle-même et de son avenir. Comment payer un auteur local a peu près inconnu, quand on peut reproduire gratuitement quelques jours après leur publication à Paris, Loti, Bourget, Courteline, Rostand, et même Georges Ohnet et Pierre Decourcelles ? La question des droits d’auteurs et de la protection littéraire doit se comparer à une question de tarifs douaniers, et le libre échange de naguère, ou plutôt le libre pillage, était encore plus préjudiciable aux écrivains canadiens qu’aux écrivains français.

C’est donc un acte de justice, et non seulement un témoignage d’amitié, que de vous dédier ce livre, car vous avez bien mérité du Canada et