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petite ? Une femme qui, depuis deux ans, m’aimait et m’était fidèle.

RABASTENS.

C’est pour ça que je te l’ai fait quitter… Écoute, Gustave. J’ai quarante-huit ans !… trente-neuf pour les femmes… Eh bien, j’ai une prétention, une seule, c’est de les connaître, les femmes. Or, je me suis fait une loi de ne jamais garder une maîtresse plus de trois mois.

GUSTAVE.

Quatre-vingt-dix jours, comme les effets de commerce.

RABASTENS.

Justement… Jamais de renouvellement à l’échéance… Et toi, bêtement, depuis deux ans, tu t’acoquinais avec la même femme.

GUSTAVE.

Quelle femme aussi, mon oncle !… Ah ! si vous l’aviez connue !…

RABASTENS.

Et je ne la connais pas !… et jamais je n’ai voulu la connaître, ni la voir… Une demoiselle qui s’appelait…

GUSTAVE.

Pomme d’Api… Un joli nom tout de même, hein ! mon oncle ? c’est la première fois que je l’ai conduite à Bullier, que Manicou… vous savez, mon ami Manicou… qui a eu un si grand succès au salon des Refusés…

RABASTENS.

Eh bien ?

GUSTAVE.

« Tiens ! s’écria-t-il, en voilà une nouvelle, qui est gentille… On en mangerait ! Une pomme d’api… une vraie pomme d’api… » Et le surnom lui est resté !… Si vous saviez, hier, quand je lui ai annoncé… si vous saviez comme elle a pleuré… puis tout d’un coup elle a cessé de pleurer, elle a dit : « C’est bien… vous avez raison… séparons-nous. » Alors elle a fait son petit paquet… et elle est partie…

RABASTENS.

Et elle ne pense déjà plus à toi… Je connais les femmes… Allons, va dans la chambre. C’est là, à gauche.