Page:Halévy - Ba-ta-clan, 1855.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.
LE VIOLONEUX
OPÉRETTE EN UN ACTE


PAROLES
DE MM. E. MESTÉPÈS & CHEVALET


MUSIQUE
DE M. J. OFFENBACH


Représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre des Bouffes-Parisiens, le 25 mai 1855.


PERSONNAGES.
LE PÈRE MATHIEU, violoneux MM. DARCIER
PIERRE, sabotier BERTHELIER.
REINETTE, filleule du père Mathieu Mlle SCHNEIDER.

La scène se passe en Bretagne, de nos jours.

Une place de village. — À gauche, au premier plan, un banc de gazon.


Scène I.

PIERRE, seul.

Il entre en marquant le pas. Le n°1, son numéro de conscription, se détache en relief sur son chapeau.

COUPLETS.
REFRAIN.
Conscrit !… conscrit !
Guignon maudit !
L’sort me poursuit
J’en perds l’esprit
Et l’appétit.
Je suis conscrit.
I
Il m’sembl’déjà que la bataille
Autour d’mes jamb’s a commencé…
Zin, zin, boum, boum !… C’est la mitraille !
Mon doux patron ! me v’là blessé !
Je veux courir, mais j’t’en souhaite,
Je suis moulu,
Je suis rompu,
On m’poursuit à la baïonnette,
II
Sur le rempart, j’fais sentinelle ;
De peur, de froid, je suis transi.
On vient… Qui va là ?… sans chandelle.
Comment savoir si c’est l’enn’mi ?
Je tire en l’air, mais j’t’en souhaite,
Il fait si noir…
Pierre, bonsoir !…
En deux temps mon affaire est faite.

(Il jette son chapeau par terre.)



Scène II.

REINETTE, PIERRE.
REINETTE.

Enfin !… j’vous trouve, monsieur Pierre ; v’là deux heures que j’cours après vous pour vous consoler. Ouf !

PIERRE.

Vous êtes fatiguée ?

REINETTE.

Dame ! tout le monde n’a pas l’jarret aussi bien planté que vous.

PIERRE.

Voyons voir.

REINETTE.

Eh ben !… eh ben !… qu’est c’qui vous prend ? (Ramassant son chapeau.) T’nez, mauvaise tête.

PIERRE.

Merci, mam’zelle Reinette. (Lui montrant son numéro.) Le v’là, le gredin ! Comm’il se fiche de moi… (Le déchirant avec ses dents et le jetant par terre.) Tiens, tiens, tiens !

REINETTE.

Mais pourquoi vous tourmenter, puisque vot’oncle doit vous acheter un remplaçant ?

PIERRE.

Oui, comptez là-dessus. Je r’viens d’chez lui. Je lui ai dit comm’çà, pour l’tâter : Mon oncle, j’suis conscrit… et amoureux. L’gou-