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Et maintenant quel moyen choisir pour rendre exactement la pensée des poètes de l’Iran ? Traduire mot à mot

    qu’on veut. Le livre laisse tout à faire à l’imagination. Aussi les esprits rudes et communs n’y prennent-ils, pour la plupart, qu’un pâle et froid plaisir. Le théâtre, au contraire, fait tout voir et dispense de rien imaginer. C’est pourquoi il contente le plus grand nombre. C’est aussi pourquoi il plaît médiocrement aux esprits rêveurs et méditatifs. Ceux-là n’aiment les idées que pour le prolongement qu’ils leur donnent et pour l’écho mélodieux qu’elles éveillent en eux-mêmes. Ils n’ont que faire dans un théâtre et préfèrent au plaisir passif du spectacle le plaisir actif de la lecture. Qu’est-ce qu’un livre ? Une suite de petits signes. Rien de plus. C’est au lecteur à tirer lui-même les formes, les couleurs et les sentiments auxquels ces signes correspondent. Il dépendra de lui que ce livre soit terne ou brillant, ardent ou glacé. Je dirai, si vous préférez, que chaque mot d’un livre est un doigt mystérieux, qui effleure une fibre de notre cerveau comme la corde d’une harpe éveille ainsi une note dans notre âme sonore. En vain, la main de l’artiste sera inspirée et savante. Le son qu’elle rendra dépend de la qualité de nos cordes intimes. »