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s’égara jusqu’aux hypothèses les plus invraisemblables, uniquement pour dénier la signification de ce document et se refuser à y voir le réel membre intermédiaire entre le singe anthropoïde et l’homme.

Aujourd’hui encore, il n’est pas rare d’entendre répéter dans les discussions sur cette importante « question pithécoïde », aussi bien par les profanes que par les anthropologistes qui jugent partialement, cette trompeuse affirmation que la lacune entre l’homme et l’homme pithécoïde n’est pas encore comblée et que le véritable « membre manquant » n’est pas encore trouvé. Cette affirmation est absolument arbitraire et ne témoigne que de l’ignorance des faits anatomiques, embryologiques et paléontologiques, — ou du moins de l’incapacité de l’individu à apprécier la portée phylogénétique de ces faits. En réalité, la chaîne morphologique qui va des demi-singes aux premiers singes occidentaux, de ceux-ci aux singes orientaux pourvus de queue, ensuite aux singes anthropoïdes dépourvus de queue et de ceux-ci directement à l’homme, est ininterrompue et s’offre clairement à tous les yeux. On pourrait bien plutôt parler de membres manquants entre les premiers demi-singes et leurs ancêtres marsupiaux, ou entre ceux-ci et leurs aïeux monotrèmes. Mais, d’ailleurs, ces lacunes sont sans importance, précisément parce que l’anatomie comparée et l’ontogénie, d’accord avec la paléontologie, ont établi l’unité historique du groupe des mammifères au-dessus de tous les doutes possibles. On exige ici de la paléontologie une chose insensée : une série de faits positifs sans lacune, qu’elle ne pourra jamais fournir pour des raisons bien connues,