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XXVI

LE DÉSASTRE

Voici maintenant la chose la plus étrange de mon récit, bien qu’elle ne soit pas sans doute absolument surprenante. Je me rappelle clairement, froidement, vivement, tout ce que je fis ce jour-là, jusqu’au moment où j’étais debout au sommet de Primrose Hill pleurant et remerciant Dieu. Après cela, je ne sais plus rien…

Des trois jours qui suivirent, il ne me reste le moindre souvenir. Depuis lors, j’ai appris que, bien loin d’avoir été le premier à découvrir la destruction des Marsiens, plusieurs autres vagabonds, errant comme moi, avaient déjà fait cette découverte la nuit précédente. Un homme — le premier — avait été à Saint-Martin-le-Grand, et, tandis que j’étais caché dans le kiosque de la station de cabs, il avait trouvé le moyen de télégraphier à Paris. De là, la joyeuse nouvelle avait parcouru le monde entier ; mille cités, effarées par d’horribles appréhensions, s’étaient livrées, au milieu d’illuminations folles, à des manifestations frénétiques ; on savait la chose à Dublin, à Edimbourg, à Manchester, à Birmingham, pendant que j’étais au bord du talus à examiner la fosse. Déjà, des hommes pleurant de joie, chantant interrompant leur travail pour se serrer les mains et pousser des vivats, formaient des trains qui redescendaient vers Londres. Les cloches, qui s’étaient tues depuis une quinzaine, proclamèrent tout à coup la nouvelle, et ce ne fut, dans toute