Page:H G Wells La guerre des mondes 1906.djvu/209

Cette page a été validée par deux contributeurs.

moment, je ne pus comprendre quelle était la cause de cette faible irradiation, depuis je pensai qu’elle était produite par l’Herbe Rouge, Avec cette idée, une curiosité qui n’était qu’assoupie s’éveilla en moi avec le sens de la proportion des choses. Mes yeux, alors, cherchèrent dans le ciel la planète Mars, qui resplendissait rouge et claire à l’ouest, puis, longuement et fixement mes regards s’attachèrent aux ténèbres qui s’étendaient sur Hampstead et Highgate.

Je restai longtemps sur le toit, l’esprit déconcerté par les tribulations de la journée. Je me souvenais de mes divers états d’esprit, depuis le besoin de prier que j’avais éprouvé la nuit précédente jusqu’à cette soirée stupidement passée à jouer aux cartes. Tous mes sentiments se révoltèrent, et je me rappelle avoir jeté au loin mon cigare avec un geste de destruction symbolique. Ma folie m’apparut sous un aspect monstrueusement exagéré. Il me semblait que j’avais trahi ma femme et l’humanité, et je me sentais plein de remords. Je décidai d’abandonner à ses breuvages et à sa gloutonnerie cet étrange et fantaisiste rêveur de grandes choses, et de pénétrer dans Londres. Là, me semblait-il, j’aurais de meilleures chances d’apprendre ce que faisaient les Marsiens et quel était le sort de mes semblables. Quand la lune tardive se leva, j’étais encore sur le toit.