Page:H G Wells La guerre des mondes 1906.djvu/185

Cette page a été validée par deux contributeurs.

toutes les plantes terrestres ont maintenant acquis une force de résistance contre les maladies causées par les microbes ; — elles ne succombent jamais sans une longue lutte. Mais l’Herbe Rouge tomba en putréfaction comme une chose déjà morte. Les tiges blanchirent, se flétrirent et devinrent très cassantes. Au moindre contact, elles se rompaient et les eaux, qui avaient favorisé et stimulé leur développement, emportèrent jusqu’à la mer leurs derniers vestiges.

Mon premier soin fut naturellement d’étancher ma soif. J’absorbai ainsi une grande quantité d’eau, et, mû par une impulsion soudaine, je mâchonnai quelques fragments d’Herbe Rouge. Mais les tiges étaient pleines d’eau


et elles avaient un goût métallique nauséeux. L’eau était assez peu profonde pour me permettre d’avancer sans danger bien que l’Herbe Rouge retardât quelque peu ma marche ; mais la profondeur du flot s’accrut évidemment à mesure que j’approchais du fleuve, et, retournant sur mes pas, je repris le chemin de Mortlake. Je parvins à suivre la route en m’aidant des villas en ruines, des clôtures et des réverbères que je rencontrais ; bientôt je fus hors de cette inondation et ayant monté la colline de Roehampton, je débouchai dans les communaux de Putney.

Ici le paysage changeait ; ce n’était plus l’étrange et l’extraordinaire, mais le simple bouleversement du familier. Certains coins semblaient avoir été dévastés par un cyclone et, une centaine de mètres plus loin, je traversais un espace absolument paisible et sans la moindre trace de trouble ; je rencontrais des maisons dont les jalousies étaient baissées et les portes fermées, comme si leurs habitants dormaient à l’intérieur ou étaient absents pour un jour ou deux. L’Herbe Rouge était moins abondante. Les troncs des grands arbres qui poussaient au long de la route n’étaient