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— Dieu aie pitié de nous !

Je l’entendis bientôt pleurnicher tout seul.

À part le bruit qu’il faisait, nous étions absolument tranquilles dans la laverie. Pour ma part, j’osais à peine respirer et je restais assis, les yeux fixés sur la faible clarté qu’encadrait la porte de la cuisine. J’apercevais juste la figure du vicaire, un oval indistinct, son faux-col et ses manchettes. Au dehors commença un martellement métallique, puis il y eut une sorte de cri violent et ensuite, après un intervalle de silence, un sifflement pareil à celui d’une machine à vapeur. Ces bruits, pour la plupart problématiques, se continuèrent par intermittences, et semblèrent devenir plus fréquents à mesure que le temps passait. Bientôt, des secousses cadencées et des vibrations, qui faisaient tout trembler autour de nous, firent sans interruption sauter et résonner la vaisselle de l’office. Une fois, la lueur fut éclipsée et le fantastique cadre de la porte de la cuisine devint absolument sombre ; nous dûmes rester blottis pendant maintes heures, silencieux et tremblants, jusqu’à ce que notre attention lasse défaillit…

Enfin, je m’éveillai, très affamé. Je suis enclin à croire que la plus grande partie de la journée dut s’écouler avant que nous ne nous réveillions. Ma faim était si impérieuse qu’elle m’obligea à bouger. Je dis au vicaire que j’allais chercher de la nourriture et me dirigeai à tâtons vers l’office.

Il ne me répondit pas, mais dès que j’eus commencé à manger, le léger bruit que je faisais le décida à se remuer, et je l’entendis venir en rampant.