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XVII

LE « FULGURANT »

Si les Marsiens n’avaient eu pour but que de détruire, ils auraient pu, dès le lundi, anéantir toute la population de Londres pendant qu’elle se répandait lentement à travers les comtés environnants. Des cohues frénétiques débordaient non seulement sur la route de Barnet, mais sur celles d’Edgware et de Waltham Abbey et au long des routes qui, vers l’Est, vont à Southend et à Shoeburyness, et, au sud de la Tamise, à Deal et à Broadstairs. Si, par ce matin de juin, quelqu’un se fût trouvé dans un ballon au-dessus de Londres, au milieu du ciel flamboyant, toutes les routes qui vont vers le nord et vers l’est, et où aboutissent les enchevêtrements infinis des rues, eussent semblé pointillées de noir par les innombrables fugitifs, chaque point étant une agonie humaine de terreur et de détresse physique. Je me suis étendu longuement dans le chapitre précédent, sur la description que me fit mon frère de la route qui traverse Chipping Barnet, afin que les lecteurs pussent se rendre compte de l’effet que produisait, sur ceux qui en faisaient partie, ce fourmillement de taches noires. Jamais encore, dans l’histoire du monde, une pareille masse d’êtres humains ne s’étaient mis en mouvement et n’avaient souffert ensemble. Les hordes légendaires des Goths et des Huns, les plus vastes armées qu’ait jamais vues l’Asie, se fussent perdues dans ce débordement. Ce n’était pas une marche