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l’une après l’autre les fenêtres des maisons d’en face passèrent de l’obscurité à une lumière jaunâtre.

Du bout de la rue arriva au galop une voiture fermée, dont le bruit, qui éclata soudain au coin, s’éleva jusqu’au fracas sous la fenêtre et mourut lentement dans la distance. Presque immédiatement suivirent quelques cabs, avant-coureurs d’une longue procession de rapides véhicules, allant pour la plupart à la gare de Chalk Farm, d’où des trains spéciaux de la Compagnie du Nord-Ouest devaient partir, pour éviter de descendre la pente jusqu’à Euston.

Pendant longtemps mon frère resta à la fenêtre à considérer avec ébahissement les policemen heurtant successivement à toutes les portes, et annonçant leur incompréhensible nouvelle. Puis derrière lui, la porte s’ouvrit et le voisin qui habitait sur le même palier entra, vêtu seulement de sa chemise et de son pantalon, en pantoufles et les bretelles pendantes, les cheveux ébouriffés par l’oreiller.

— Que diable arrive-t-il ? Un incendie ? demanda-t-il. Quel satané vacarme !

Ils allongèrent tous deux la tête hors de la fenêtre, s’efforçant d’entendre ce que les policemen criaient. Des gens arrivaient des rues transversales, et causaient par groupes animés, à chaque coin.

— Mais pourquoi diable tout cela ? demandait le voisin.

Mon frère lui répondit vaguement et se mit à s’habiller, courant avec chaque pièce de son costume à la fenêtre afin de ne rien manquer de l’excitation croissante des rues. Et bientôt des gens vendant des journaux extraordinairement matinaux descendirent la rue en braillant.

— Londres en danger de suffocation ! Les lignes de Kingston et de Richmond forcées ! Terribles massacres dans la vallée de la Tamise.

Tout autour de lui – aux étages inférieurs des maisons voisines, derrière dans les terrasses du parc, dans les cent autres rues de cette partie de Marylebone, dans le district de Westbourne Park et dans St-Pancras, à l’ouest et au nord, dans Kilburn, St John’s Wood et Hampstead, à l’est dans Shoreditch, Highbury, Haggerston et Hoxton, en un mot dans toute l’étendue de Londres, depuis Ealing jusqu’à East Ham – des gens se frottaient les yeux, ouvraient leurs fenêtres pour savoir ce qui arrivait, s’interrogeaient au hasard et s’habillaient en hâte, quand eut passé à travers les rues, le premier souffle de la tempête de peur qui venait.

Ce fut l’aube de la grande panique. Londres, qui s’était couché le dimanche