Page:H G Wells La guerre des mondes 1906.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.

marchand de cartes et de globes, dans le Strand, fut ouverte, raconte mon frère, et un homme encore endimanché, ayant même des gants jaune paille, parut derrière la vitrine, fixant en toute hâte des cartes du Surrey après les glaces. En suivant le Strand jusqu’à Trafalgar Square, son journal à la main, mon frère vit quelques fugitifs arrivant du Surrey. Un homme conduisait une voiture telle qu’en ont les maraîchers, dans laquelle se trouvaient sa femme, ses deux fils et divers meubles. Ils venaient du pont de Westminster et, suivant de près, une grande charrette à foin arriva, contenant cinq ou six personnes à l’air respectable, avec quelques malles et divers paquets. Les figures de ces gens étaient hagardes et leur apparence contrastait singulièrement avec l’aspect très dominical des gens grimpés sur les omnibus. D’élégantes personnes se penchaient hors des cabs pour leur jeter un regard. Ils s’arrêtèrent au Square, indécis du chemin à suivre et finalement tournèrent à droite vers le Strand. Un instant après, parut un homme en habit de travail, monté sur un de ces vieux tricycles démodés qui ont une petite roue devant ; il était sale et son visage pâle et poussiéreux.

Mon frère se dirigea du côté de la gare de Victoria et rencontra encore un certain nombre de fuyards qu’il examina avec l’idée vague qu’il m’apercevrait peut-être. Il remarqua un nombre inusité d’agents assurant la circulation des voitures. Quelques uns des fuyards échangeaient des nouvelles avec les voyageurs des omnibus. L’un déclarait avoir vu les Marsiens.

— Des chaudières, sur de grandes échasses, comme je vous le dis, qui courent plus vite que des hommes.

La plupart d’entre eux étaient animés et surexcités par leur étrange aventure.

Au delà de Victoria, les tavernes faisaient un commerce actif avec les nouveaux arrivants. À tous les coins de rue, des groupes de gens lisaient les journaux, discutant avec animation, en contemplant ces visiteurs exceptionnels et inattendus. Ils semblaient augmenter à mesure que la nuit venait, jusqu’à ce qu’enfin les rues fussent, comme le dit mon frère, semblables à la Grand’Rue d’Epsom le jour du Derby. Il posa quelques questions à plusieurs des fugitifs et n’obtint d’eux que des réponses incohérentes.

Il ne put se procurer aucune nouvelle de Woking ; un homme pourtant, lui assura que Woking avait été entièrement détruit la nuit précédente.

— Je viens de Byfleet, dit-il ; un bicycliste arriva ce matin de bonne heure dans le village et courut de porte en porte nous dire de partir. Puis ce fut le tour des soldats.