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HISTOIRE DE LA CHIMIE

abonde au Mexique et au Pérou[1]. Or, l’histoire des peuples sauvages est l’histoire des peuples primitifs.

Les traditions des Phéniciens et des Crétois font remonter la découverte du fer à des époques très-reculées[2]. Les Grecs l’attribuaient à des personnages fabuleux, à Cybèle, à Prométhée, aux Cyclopes et surtout aux Dactyles du mont Ida. « Les Dactyles étaient, dit le scoliaste d’Apollonius de Rhodes, des enchanteurs et des magiciens, qui passent pour avoir trouvé le fer[3]. » — Il y avait un mont Ida dans l’ile de Crète et un autre sur les limites de la ïroade et de la Phrygie, au fond du golfe d’Adramyttium. Duquel des deux s’agit-il ici ? Cette question se trouve résolue par le passage suivant de Diodore : a Le mont Ida est la plus haute montagne de l’Hellespont ; on y trouve un antre merveilleux, où les déesses furent, dit-on, jugées par Paris. C’est dans ce même antre que la tradition place les ateliers des Dactyles idéens, qui les premiers forgèrent le fer, après avoir appris cet art de la mère des Dieux [4] » — Les Chalybes, qui habitaient sur les bords du Pont-Euxin, passaient aussi pour très-habiles à travailler le fer[5] par l’emploi de la trempe, dont ils paraissent avoir eu le secret. Serait-ce en honneur des Chalybes que l’acier reçut le nom latin de chalybs ?

La connaissance de la trempe du fer, que François Bacon regarde à tort comme une découverte moderne, remonte au moins à mille ans avant l’ère chrétienne. Homère en parle en termes non équivoques, à propos de Polyphème, auquel Ulysse creva l’œil avec un pieu. « Et il se fit entendre, dit le poète, un sifflement semblable à celui que produit une hache rougie au feu et trempée dans l’eau froide ; car c’est là ce qui donne au fer la force et la dureté (τὸ γὰρ αὖτε σιδήρου γε κράτος ἐστίν) » [6].

Sophocle, qui vivait au temps de Périclès, par conséquent plus de 400 ans avant J.-C., compare quelque part un homme dur et

  1. Al. Barba. I, p. 111 et 118. Acosta, Hist. des Indes, in-fol., p. 132. Mém. de l’Acad. de Berlin, 1746, p. 451.
  2. Sanchoniath. apud Euseb. p. 35.
  3. Ad. Argonaut. I, 1129. Voy. P. Rossignol, les Métaux dans l’antiquité p. 16 (Paris 1863).
  4. Diodore, XVII, 7.
  5. Eschyle, in Prometh. vincto, v. 718. Virg. Georg. lib. , v. 58. Ammien Marcelin, liv. XXII, c. 8. Tzetzès, Chron. 10, p. 338
  6. Odyss. IX, 393.