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HISTOIRE DE LA CHIMIE

Il paraît certain que l’on ne connaissait pas à l’époque de Moyse la dorure proprement dite, et que l’on ne savait aucun moyen de dissoudre l’or. Pour la construction du tabernacle, le seigneur avait dit : « Vous couvrirez les ais de lames d’or ; — vous couvrirez aussi ses barres de lames d’or (1[1]). »

C’était là une simple opération mécanique, semblable à celle dont parle Homère à propos du sacrifice de Nestor : « Vint le forgeron tenant dans ses mains les instruments de son art, l’enclume, le marteau et les tenailles bien faites, avec lesquels il travaillait l’or (χρυσὸν εἰργάξετο) (2[2]). »

Les anciens chimistes ont fait bien des conjectures sur le veau d’or que Moyse brûla, et qu’il donna à boire aux Israélites (3[3]). On est allé jusqu’à supposer ce législateur initié à la chimie ou à l’alchimie. Suivant Stahl, l’auteur de la fameuse théorie du phlogistique, Moyse eut le secret de l’or potable, et en faisant boire cette dissolution il aurait aggravé la punition infligée aux Israélites récalcitrants (4[4]). Le mot brûler, remarque Wiegleb (5[5]), signifie aussi fondre ; comme le veau d’or était probablement en bois recouvert de lames d’or, Moyse ne brûla réellement que le bois, pendant que l’or allait se fondre en culot : les cendres mises dans l’eau donnèrent non pas de l’or potable, mais une eau lixivielle (chargée de sels alcalins), qui devait produire l’effet d’un purgatif.

Moyse s’était-il réellement servi d’un moyen chimique pour dissoudre le veau d’or ? Non ; car en lisant attentivement le texte hébreu on peut se convaincre qu’il n’y est parlé que d’une opération purement mécanique. Voici comment nous traduisons ce passage de l’Exode : « Et il (Moyse) prit le veau, qu’ils (les Israélites) avaient fait, et le détruisit dans le feu (6[6]), et il le moulut

  1. Exode, XXVI, 10, 29.
  2. Odysée, III 432 et suiv.

    Ηλθε δὲ χαλκεὺς
    ὅπλ᾽ ἐν χερσὶν ἔχων χαλκήια, πείρατα τέχνης,
    ἄκμονά τε σφῦραν τ᾽ ἐυποίητόν τε πυράγρην,
    οἷσίν τε χρυσὸν εἰργάξετο

  3. Exode, XXXII, 20.
  4. Vitilus aureus in Opusc. Chym. Phys. med., p. 585.
  5. Handbuch der allg. Chemie, t. I, p. 120 ; 1786.
  6. Littéralement, il l’absorba dans le feu, וַיִּשְׂרֹף בָּאֵשׁ, c’est-à-dire qu’en le fondant il en détruisit la forme. Exode, XXXII, 20.