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PREMIÈRE ÉPOQUE

Ce fut à peu près dans le même état que, près de trente siècles plus tard, les Espagnols trouvèrent l’Amérique et ses autochthones.

Les Phéniciens, après avoir établi des entrepôts dans les îles de Rhodes et de Chypre, d’où ils tirèrent leurs minerais de cuivre, franchirent les premiers le bassin de la mer Méditerranée, et prirent possession du détroit de Gades (1[1]) (Cadix), comme d’un poste important pour leurs colonies et leur commerce. Ils poussèrent leurs navigations, au nord, jusqu’aux îles Britanniques, d’où ils tirèrent le χασσίτερς (étain), dont parlent déjà Moyse (2[2]) et Homère (3[3]).

Les navigations lointaines produisirent alors dans les arts et dans l’industrie même révolution qu’a produite à notre époque le commerce avec l’Inde.

Une chose digne de remarque, c’est que dès la plus haute antiquité, tous les peuples essentiellement mercantiles avaient auprès des autres nations une réputation d’improbité. C’est ce qu’attestent ces paroles qu’Homère met dans la bouche d’Ulysse :

Alors vint un Phénicien, un maître fourbe,
Un grappilleur, qui avait déjà fait beaucoup de mal aux hommes (4[4]).

La foi punique, fides punica, était, dans la bouche d’un Romain, synonyme de mauvaise foi. Les peuples animés de l’esprit de lucre ne cultivent guère que le côté pratique des sciences. Sous ce rapport, les Phéniciens différaient entièrement des Égyptiens, qui se complaisaient dans le dogmatisme philosophique et religieux.

Hébreux. — Opprimés par les Égyptiens, avilis par les Assyriens et les Syriens, méprisés par les Romains, persécutés au

  1. Le nom de Gadir (Gades, Cadix) signifie enclos, refuge ; plus tard il fut changé en celui de Gibraltar, de l’arabe ghibel al Tarick (rocher de Tarick) ; Tarick étant un des généraux des Maures qui envahirent l’Espagne en 711, sous la conduite de Walid. Le nom de colonnes d’Hercule, que portait ce détroit rappelle encore les Phéniciens, s’il est vrai qu’il faut faire dériver Hercule de harokel, qui en phénicien signifie marchand.
  2. Nombres, XXXI, 22.
  3. Iliade, XI, 25 et 34.
  4. Δὴ τότε Φοῖνιξ ἦλθεν ἀνὴρ ἀπατήλια εἰδώς,
    Τρώκτης, ὃς δὴ πολλὰ κάκ᾽ ἀνθρώποισιν ἐώργει.

    (Odyss., XIV, 289.)