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HISTOIRE DE LA CHIMIE

le Dieu destructeur, est adoré sous le nom de Dieu bon, el regardé comme le principe d’une nouvelle vie ; car tout naît, vit et périt, pour renaître. De là ces cycles de transmigration qui nous rappellent les doctrines de Pythagore, empruntées à la métempsycose des Égyptiens.

Cependant les philosophes indiens ne s’arrêtent pas au simple matérialisme panthéis-ique. Ils vont plus loin : ils admettent, comme les disciples de Platon, une âme du monde, dont les âmes des êtres animés ne seraient que des parties. Au moment de la dissolution du corps, l’âme, âtmâ, très-différente du principe purement vital, se réunira, disent-ils, si elle est pure, à la grande âme universelle, paramâtmâ, d’où elle est émanée ; si elle est impure, elle sera condamnée à subir, un certain nombre de transmigrations ; c’est-à-dire à animer successivement des plantes et des animaux, ou même à être incarcérée dans quelque corps minéral, jusqu’à ce que, purifiée de toutes ses souillures, elle soit jugée digne du moucti, de l’absorption dans la Divinité (1[1]).

Ainsi les minéraux eux-mêmes seraient des êtres animés. Il est à remarquer que cette idée se retrouve au fond delà doctrine des alchimistes, qui attribuaient à chacun des métaux une âme particulière.

Comme dans la kabbale et dans les théories alchimiques, on trouve dans la philosophie indienne l’assimilation des éléments à certaines parties du corps humain, identification de l’homme ou du monde en miniature (microcosme) avec l’univers (macrocosme) ; les triangles et les cercles mystiques (tschakras), traversés par des rayons dont les différents nombres sont mystiques ([2]). On y rencontre également l’idée, d’après laquelle le monde est un animal qui réunit les deux sexes, et qui exerce à la fois les fonctions de père et de mère. Le principe mâle et le principe femelle, le principe actif et le principe passif, se retrouvent non-seulement dans la philosophie indienne, mais dans presque tous les systèmes des philosophes anciens ; cet antagonisme dualistique défraya particulièrement les doctrines de l’art sacré. Ainsi,

  1. Voy. Manou, le Gnîtâ, les Pourânas, etc. L’absorption dans la divinité retrouve, en partie, dans le Nirwana du bouddhisme. Voy. M. Barthélémy Saint-Hilaire, Sur le bouddhisme, et M. E. Schlagintweit, Buddhisme in Tibet, Lond. 1863, in-8o, avec un Atlas gr. in-folio.
  2. Journal asiatique, no 68, 1841, p. 414