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PREMIÈRE ÉPOQUE

la première des choses créées, le feu sacré, l’éther sans bornes, la terre, nourrice de tous les germes, l’air, qui anime tous les êtres qui respirent ; — puisse ce dieu favorable vous protéger à jamais (1[1]) ! »

Les philosophes indiens enseignent que tout corps doué de vie est formé de la réunion des cinq éléments. Pour dire qu’un homme est mort, ils se servent de ces expressions : « L’homme est retourné dans les cinq éléments ; il est rentré dans le sein de Brahma. » C’est pourquoi, dans la fable du serpent et des grenouilles, de l’Hitopadésa, le sage Capila, cherchant à consoler un père de la mort de son fils, lui dit : « A quoi bon de tant t’affliger ? Ne sais-tu pas que le corps, composé des cinq éléments, retourne dans panchatouam, et se résout dans chacun de ses principes ? »

Saurions-nous aujourd’hui mieux définir la mort physique, la décomposition naturelle de tout être vivant ? Le corps dont les mouvements ne sont plus sous l’empire des fonctions vitales se réduit en des principes dont les uns se mêlent à la terre, les autres à l’eau, d’autres à l’air, où quelques-uns peuvent même s’enflammer spontanément (2[2]) ; enfin, il y a des produits de décomposition susceptibles de se mélanger avec l’éther, puisque beaucoup de physiciens admettent l’existence d’un fluide hypothétique pour expliquer les phénomènes de la lumière, du calorique et de l’électricité. Les principes dans lesquels le corps se résout après la mort, qu’on les appelle aujourd’hui eau, acide carbonique, ammoniaque, etc., ou qu’on les nomme, comme autrefois, terre, eau, air, etc., peu importe : quel que soit le langage, l’idée fondamentale reste la même. Le domaine des faits particuliers peut, par la suite du temps et de l’observation, varier et s’agrandir ; mais l’idée qui les enchaîne est immuable, parce qu’elle repose sur le fonctionnement de l’intelligence humaine, organisée pour ne saisir que les rapports du mouvement et de la matière.

Aux noms de Brahma (Dieu créateur), de Vischnou (Dieu conservateur), et de Siva ( Dieu destructeur), trinité mystérieuse exprimée par la syllabe mystique de au̇m, se rattachent des pensées à la fois physiques et métaphysiques. Siva lui-même,

  1. La reconnaissance de Sacountala drame sanscrit et pracrit de Calidasa, traduit par A.-L. Cliézy, 1830-4 ; Paris.
  2. Entre autres l’hydrogène phosphoré, qu’on remarque souvent dans les cimetières et dans les marais.