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HISTOIRE DE LA CHIMIE

Voilà pourquoi ces théories se ressemblent toutes, abstraction faite des temps et des lieux.

Arrêtons-nous un moment sur la philosophie indienne, pour faire ressortir quelques-unes de ces idées qui se retrouvent au fond de presque toutes les théories.

Une question qui a en tout temps occupé les esprits qui se sont livrés à l’étude de la nature, c’est de connaître à la fois la qualité et la quantité des éléments matériels qui, par leurs combinaisons diverses, forment l’immense variété des choses. Parallèlement à ces recherches, les philosophes, depuis Aristote jusqu’à Kant, ont essayé, dans une autre sphère, d’approfondir et de classer le nombre des lois élémentaires, ou, comme ils l’appellent, des catégories de l’entendement.

Suivant l’opinion des philosophes indiens, le nombre des éléments qui composent la matière est de cinq : la terre, l’eau, l’air, le feu et l’éther. Ce nombre était également adopté par les philosophes grecs, qui comptaient l’éther au nombre des éléments. Cette opinion a fait pendant longtemps autorité parmi les chimistes.

Cinq éléments ! c’est bien peu de chose à côté du nombre des éléments aujourd’hui connus en chimie (1[1]). Cependant, à mesure que la science marche, tout tend à se simplifier, et il ne répugne nullement de croire que les éléments de la matière, quelque nombreux qu’ils soient en apparence, ne se réduisent au fond qu’à deux ou trois. Dans la manière de voir qui règne actuellement, et qui compose la science courante, les esprits en chimie tendent vers l’unité de la matière, comme en physique vers l’unité des forces.

Les cinq éléments désignés, dans la langue des Védas, sous le nom de pantchatouam (quinquité) (2[2]), sont les formes dont s’est revêtu Brahma, le maître de l’univers. C’est ainsi que, dans le drame de Sacountala, un brahmine, s’avançant vers la scène, prononce cette invocation :

« Puisse le maître de l’univers, présent sous ces formes : l’eau,

  1. Il y a cinquante ans le nombre de corps simples, c’est-à-dire actuellement non décomposables, n’était encore que de cinquante-quatre. Aujourd’hui on en compte soixante dix, et depuis qu’on emploie la lumière (spectre coloré) pour analyser la matière, il faut s’attendre à voir augmenter encore ce nombre.
  2. Dérivé pantcha, cinq.