Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
PREMIÈRE ÉPOQUE

les Grecs appelaient Οαυμάσια ξίφη, (épées merveilleuses) et les Occidentaux lames damasquinées (1[1]).

Le célèbre acier-wootz, qu’on imite en alliant l’acier ordinaire avec de très-petites quantités d’argent ou de platine, était autrefois exclusivement employé pour la préparation du moiré métallique (2[2]).

Le borax servait depuis longtemps chez les Indiens dans la soudure des métaux ; il fut pour la première fois apporté en Europe, par l’intermédiaire des marchands arabes. Ce sel (borate de soude), si utile dans les arts, se rencontre particulièrement au nord de l’Inde, dans le Thibet. Là il se trouve déposé au fond de certains lacs, d’où on le retire en masse considérables. Comme il est impur et mélangé avec des matières organiques, on le soumet à une espèce de purification avant de le livrer au commerce.

Comme les Chinois, les Indiens ignoraient la préparation et l’usage des véritables dissolvants des métaux, c’est-à-dire des acides minéraux, sans lesquels la chimie est une science impossible : le vinaigre et les sucs acides des végétaux sont des dissolvants trop faibles ou insuffisants. Aussi la découverte de l’eau-forte et de l’eau régale, de ces deux dissolvants des métaux par excellence, fait-elle véritablement époque dans l’histoire de la science.

Si nous avons fort peu de renseignements sur la pratique de la chimie chez les Indiens, il n’en est pas de même pour ce qui regarde la théorie : les spéculations de l’extrême Orient ont la plupart une grande analogie avec les systèmes des philosophes de l’Occident.

Les théories les plus élevées, les formules les plus générales de la science, ne sont, en dernière analyse, que le reflet des lois immuables de l’intelligence humaine, lois aussi absolues et aussi nécessaires subjectivement que celles qui régissent le mouvement, la matière et ses transformations indéfinies.

  1. Le mot damasquiné vient de Damas, ville de Syrie, qui était le principal entrepôt du commerce de l’Europe avec l’Inde, avant la découverte du cap de Bonne-Espérance.
  2. Lorsqu’on mouille, avec des acides affaiblis, des lames de certaines espèces d’acier (notamment le wootz de l’Inde), après les avoir travaillées au marteau, on remarque à leur surface des ramifications veineuses d’un aspect chatoyant. C’est là ce qu’on appelle le moiré métallique. C’est une véritable surface cristallisée, mise à découvert par un acide.