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Toute industrie se développe proportionnellement à la population d’un pays. C’est ce qui ressort de l’enseignement même de l’histoire. Tout peuple pasteur ou chasseur peut se passer des arts et des sciences : il n’a pas besoin de tourmenter le sol pour vivre, ni de s’ingénier à se rendre tributaire le riche qui aime le luxe ; les simples produits de la nature lui suffisent. Mais il a besoin d’un vaste territoire. Or, c’est là précisément ce qui manquait à la population de la Chine. Cette immense population pacifique, sédentaire, dépourvue de tout instinct de conquête, devait, ou périr de famine, ou se livrer de bonne heure aux occupations industrielles et à la culture des arts[1].

La rivalité et l’ambition, deux passions inséparables d’une grande agglomération d’individus, si elles ne s’appliquent pas à des questions irritantes, le plus souvent insolubles, peuvent servir au développement du bien-être par l’appropriation des forces naturelles, trésor de richesses inépuisable.

Ainsi, loin de révoquer en doute l’antiquité de la civilisation chinoise, nous avons plutôt lieu de nous étonner que cette civilisation ait été si lente à se développer, surtout lorsqu’on considère que les savants sont infiniment honorés en Chine[2], et que, dans aucun temps, les habitants de cette contrée populeuse ne paraissent avoir eu à lutter contre ce fanatisme aveugle qui fit, chez nous, condamner les Roger Bacon et les Galilée. Pourrait-on alléguer comme cause de cette lenteur l’infériorité intellectuelle de la race mongole, sa haine de l’étranger, quelque vice d’organisation politique, etc. ? Nous ne faisons que signaler ces questions.

Pour se faire une idée exacte de la chimie chez les Chinois, il faut s’adresser à la médecine, à la métallurgie, à la peinture, à tous les arts utiles. La préparation des remèdes, la fabrication de quelques produits d’industrie, quelques procédés de simple routine, des faits isolés sans lien, sans doctrine scien-

  1. Au rapport du chancelier Thomas Morus, l’Angleterre ne fut jamais plus près de sa ruine que lorsque tous les propriétaires voulaient avoir des troupeaux de moutons ; ce qui occasionna d’abord une dépopulation extrême dans les campagnes, et fit enfin manquer le pain jusque dans Londres.
  2. « L’art de faire de l’encre, de même que tous les arts qui ont rapport aux sciences, est honorable à la Chine, où ce n’est que par les sciences que l’on s’élève aux dignités de l’empire. » Page 135, vol. 1, de la Description géographique, historique et physique de l’empire de la Chine et de la Tartarie chinoise, par le P. J.-B. du Halde. (Paris, 1735, 4 vol. in-fol).