rapports réciproques de ces deux principes n’apparurent cependant pas en toute clarté5, à moins que l’on ne veuille appeler clarté le développement de la scolastique qui se forme bientôt dans la théologie luthérienne, et qui fut moins grandiose et d’esprit plus étroit que celle du Moyen Âge.
Aux côtés de Luther était un homme qui, dans le secret de son enthousiasme, cherchait à concilier les idées de la Réforme avec celles de la Renaissance. Philippe Melanchthon, « le précepteur de l’Allemagne » représente, à l’encontre de Luther, un côté plus rationnel du protestantisme. Ce n’était pas seulement un théologien, mais aussi un philologue et un philosophe, et s’il lui en coûtait de voir Luther et les Luthériens condamner impitoyablement l’homme non régénéré, la raison n’en était sans doute pas tant que cela répugnait en général à sa conception débonnaire des choses humaines, mais encore et surtout que cela retombait sur ses chers classiques. À l’université de Wittenberg, Melanchthon professait, outre la théologie, la physique et les sciences philosophiques, telles que la psychologie, la logique (« dialectique ») et l’éthique. Ces cours se distinguent par l’élégance de l’exposition et la connaissance détaillée de la littérature de l’antiquité. C’est l’éthique qui offre le plus d’intérêt. Dans la physique, il combat (ainsi que nous le verrons plus loin), la nouvelle théorie de Copernic, et, comme psychologue, il ne peut être comparé à Vives, dont l’ouvrage parut à peu près à la même époque. D’une grande importance pour son éthique fut sa théorie de la lumière naturelle ; la reproduction donnée par Cicéron de la philosophie stoïcienne eut sur cette doctrine une influence prépondérante ; mais elle s’appuie également sur les paroles prononcées par l’apôtre Paul à propos de la loi, gravée dans le cœur des hommes. Toute conclusion, toute énumération, tout calcul, toute acceptation des principes premiers des sciences et tout jugement moral ont pour base certaines idées, implantées par la divinité et innées dans chaque homme (noticiae nobiscum nascentes, divinitus sparsae in mentibus nostris) ; voilà pourquoi ce n’est pas un hasard si la connaissance scientifique et l’appréciation morale ne s’éteignent jamais dans l’espèce humaine. (Melanchthon développe cette théorie en partie dans le Liber de anima, en partie dans les