penseurs éminents une discussion qu’il mena avec beaucoup de courtoisie. Il fit dans ses Nouveaux Essais la critique géniale, et de nos jours encore instructive, de la tentative qu’avait faite Locke de dériver toute connaissance de l’expérience ; il défendait notamment l’importance des dispositions intérieures, des conditions renfermées dans la propre nature des sujets de la connaissance. Locke étant mort avant que Leibniz eût achevé son ouvrage, il ne voulut pas le publier ; aussi celui-ci n’eut-il pas sur la discussion philosophique toute l’influence qu’il aurait certainement eue. Il ne parut qu’en 1765. Le second contemporain, contre les idées duquel Leibniz se sentit poussé à prendre la plume, était Pierre Bayle. Celui-ci avait critiqué l’essai, fait par plusieurs théologiens et philosophes, de démontrer qu’il y a harmonie entre l’hypothèse d’une action toute puissante et divine et le mal moral et physique du monde, il prétendait que philosophiquement on pouvait bien plus facilement défendre l’hypothèse de deux principes opposés, un bon et un mauvais, étant donné la nature réelle du monde. Leibniz chercha par contre dans la Théodicée, parue en 1710, à prouver la concordance de la théologie avec la philosophie et à fonder l’assertion que le monde réel est le meilleur des mondes possibles. C’est l’ouvrage le plus faible de Leibniz, long et décousu dans la forme, vague et populaire au mauvais sens du mot dans la suite des idées. Dans aucun autre ouvrage il ne s’accommode à ce point d’idées qu’il n’aurait pas dû admettre dans son système s’il avait été strictement logique. Ce fut un malheur que durant le xviiie siècle on ait connu Leibniz par cet ouvrage. Les Nouveaux Essais restaient enfouis dans la Bibliothèque de Hanovre et les petits traités magnifiques et géniaux contenus dans les périodiques qui exprimaient ses pensées fondamentales véritables n’étaient accessibles qu’à un petit nombre d’élus.
La tentative de Leibniz, d’unir et de concilier la religion et la philosophie, était certainement faite de bonne foi, cela ne fait pas de doute. C’était une pensée qui depuis sa jeunesse remplissait toute sa vie. Toutefois ce n’était pas une nature proprement religieuse. C’est ce que montre la légèreté avec