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pouvoir trouver place. C’est ce qu’il dit dans la 6e Méditation : « Par la nature considérée en général (natura generaliter spectata) je n’entends maintenant autre chose que Dieu même, ou bien l’ordre et la disposition (coordinatio) que Dieu a établie dans les choses créées. » Ce que je reconnaîtrai pour vrai doit nécessairement pouvoir trouver place dans cet enchaînement, qui pourrait par conséquent aussi bien s’appeler nature que Dieu. L’individuel prend pour moi une réalité grâce à son enchaînement avec tout le reste. Le critérium qui me permet de distinguer les rêves de l’état de veille, c’est que je puis sans solution de continuité relier les expériences de la vie faites à l’état de veille avec toutes mes autres expériences et mes souvenirs (perceptionem earum absque ulla interruptione cum tota reliqua vita connecto). — C’est là le sens le plus profond du fondement théologique que donne Descartes à la valeur de la connaissance. Mais quelque intéressante que soit cette idée, il aurait pu en éviter complètement le tour théologique. Le principe de causalité, qui est également supposé par la réalité de l’idée de Dieu, est en effet un médiateur suffisant entre le sujet connaissant et l’univers. Le principe de causalité et les autres principes premiers font chez Descartes (dans les Responsiones secundæ) formellement exception à la connaissance, laquelle doit être fondée par la seule idée de Dieu. Si l’on développait le contenu du principe de causalité, on verrait qu’il mène précisément à l’hypothèse d’un enchaînement où les phénomènes particuliers ont leur place déterminée. Mais le temps où le rapport de causalité et le principe de causalité furent examinés plus exactement n’apparut qu’un siècle après le siècle de Descartes.

c) Spéculation théologique.

Descartes commence par l’analyse et la critique, mais passe d’un bond à la spéculation théologique et spiritualiste. Il trouve le point de départ de ces deux spéculations, dans son « je pense, donc je suis ». Pour le moment, nous nous arrêterons à ses idées théologiques, qui sont intéressantes pour nous à cause du développement et du fondement rigoureux qu’elles offrent du contenu de la « religion naturelle ».

Descartes conteste que l’existence de Dieu puisse se prouver