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siècle de la souveraineté absolue de l’État. L’État s’est émancipé de la tutelle de l’Église et réclame maintenant une soumission complète de l’individu et des petits groupements. Le principe de la souveraineté est même développé sous ses formes extrêmes par les deux penseurs précisément qui marquent l’apogée de la construction. L’individu recherche alors le calme et la sécurité après les tourmentes de la Renaissance et de la Réforme. Beaucoup sont attirés par la contemplation et le mysticisme. Un penchant au quiétisme se fait sentir. Mais ces inclinations se satisfont dans les systèmes philosophiques par l’élaboration réfléchie des nouvelles idées et des découvertes. Elles prenaient ainsi l’importance d’expériences de nature à éprouver la portée de courants d’idées considérables.

1. — René Descartes

a) Biographie et caractéristique.

Le fondateur de la philosophie moderne naquit le 31 mars 1596 dans une famille noble de la Touraine. Maladif, il trahissait déjà enfant des dispositions exceptionnelles, et son père avait l’habitude de l’appeler le philosophe à cause du grand nombre de questions qu’il posait. Pour recevoir une éducation soignée il entra au collège de jésuites de la Flèche, fondé depuis peu par Henri IV. Par la suite il se souvint toujours avec reconnaissance de ses anciens maîtres, et lorsque les jésuites prirent parti contre sa philosophie, il en conçut un grand chagrin. Il apprit à la Flèche la physique et la philosophie selon le système scolastique, mais il se livra surtout aux mathématiques. Il semble s’être préoccupé de fort bonne heure des idées qui le menèrent à sa grande découverte mathématique, la fondation de la géométrie analytique, c’est-à-dire à l’application de l’algèbre à la géométrie. Il a décrit lui-même, dans le Discours de la méthode, l’histoire de sa jeunesse, qui est en même temps la genèse de sa philosophie. Au sortir de l’école, il se sentit peu satisfait de tout ce qu’il avait appris. Il connaissait beaucoup de faits ; beaucoup de belles pensées lui avaient été transmises ; il admirait surtout la méthode rigoureuse des mathématiques. Mais ces faits et ces pensées ne lui semblaient