Sa réforme de l’enseignement dans les arts libéraux se fit cependant jour à l’étranger. Son système fleurit en Allemagne, en Écosse et en Suisse. À l’Université de Cambridge il fut combattu par le scolastique et mystique ardent Everard Digby, qui fut probablement le professeur de Bacon ; mais il trouva en même temps en Angleterre même un zélé défenseur en William Temple (l’aîné), qui le conduisit à la victoire et qui par ses écrits polémiques dirigés contre la scolastique jeta les fondements d’une tendance plus libre en philosophie. Depuis cette époque ce courant a caractérisé Cambridge par opposition à Oxford, l’université conservatrice.
Le violent conflit qui s’éleva entre Digby et Temple à propos de la méthode devait naturellement exciter un grand intérêt et il n’a certainement pas peu contribué au développement de Bacon39.
Pendant que la doctrine de Ramus poursuivait sa marche triomphale dans le nord et dans l’ouest de l’Europe, beaucoup ressentaient un besoin profond de savoir positif, une soif de connaissance solide de la nature réelle. C’est ce qu’attestent les écrits de Telesio et de Campanella, en partie aussi ceux de Bruno. François Sanchez, auteur du Traité de la noble et haute science de l’ignorance (Quod nihil scitur), qui parut en 1581, offre un exemple remarquable de critique pénétrante de la science traditionnelle ; il a nettement conscience de tout ce qu’il faut pour bien savoir quelque chose, mais il est impuissant à trouver la réalisation positive de cet idéal. Sanchez était fils d’un médecin espagnol qui était venu s’établir à Bordeaux. Il fut professeur de médecine d’abord à Montpellier, puis à Toulouse. Le titre de son ouvrage semble devoir le marquer au coin du scepticisme ; mais il serait très injuste de le regarder de ce seul biais. Il a le vif sentiment de l’imperfection de la nature humaine, surtout du savoir humain. Toutefois le doute n’est pas pour lui but, mais moyen.
Son œuvre sceptique ne constitue qu’une introduction à une série de travaux d’un genre spécial et empirique. Il avait aussi l’intention d’écrire un traité spécial de la méthode. L’observation et l’expérience unies au jugement, voilà pour lui les meilleurs moyens d’aboutir à la connaissance. Sa devise