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lique ; on n’a guère dû connaître ses livres. À Wittenberg par contre on lui permit de faire des cours et il y passa deux années tranquilles. Mais vint un nouveau duc et il dut quitter le pays. Dans son discours d’adieu il vante la science allemande représentée par Nicolas de Cusa, Paracelse et Copernic et glorifie Luther d’avoir fait la guerre à la puissance de l’Église : tel un nouvel Hercule, il a combattu Cerbère à la triple couronne !

La vie errante recommença. Après un court séjour à Prague et à Helmstedt, il alla à Francfort, où il se livra pendant un an au repos, afin de faire imprimer une série d’écrits qui devaient donner, en partie sous forme de poèmes didactiques, un exposé systématique de sa doctrine. À l’encontre des ouvrages de Londres ces traités sont écrits en langue latine, probablement parce qu’ils s’adressaient aux savants allemands. Cette série d’ouvrages a encore ceci de remarquable que Bruno s’y rapproche de la conception atomique de la nature (dans l’ouvrage De triplici minimo) et qu’il mit à profit dans son exposé du nouveau système du monde (dans l’ouvrage De immenso) les recherches de Tycho-Brahé sur les orbites des comètes, qui ratifièrent à merveille ses idées développées précédemment. Mais à côté de cela se trouvent dans ces écrits plusieurs développements abstrus et symboliques qui n’offrent d’autre intérêt que de montrer à quoi on pouvait avoir recours alors à défaut de données scientifiques. Par ce côté, comme par plusieurs autres, Bruno a une certaine analogie avec Kepler, qui présentait également l’union singulière de grandes idées philosophiques alliées à des spéculations symboliques.

Il dut quitter Francfort avant l’impression complète de ces livres. Dans la préface du De triplici minimo, dont il ne pouvait plus se charger, les éditeurs disent que l’auteur leur a été enlevé par un brusque hasard (casu repentino avulsus). Il est probable qu’il fut expulsé de la ville ; des pièces découvertes depuis montrent que la magistrature de Francfort était mal disposée pour lui dès son arrivée. L’expression dont se servent les éditeurs n’indique pas un départ volontaire. Cependant il avait reçu une invitation à se rendre en Italie, à laquelle il eût en tous cas certainement donné suite. Dans un sonnet, il se compare à un papillon voltigeant droit à la lumière. Il faisait