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de ses efforts, et qu’elle se consume à force d’ardeur, il suffit qu’elle brûle d’un feu si noble ! » :

Eh bench’ il fin bramato non consegua,
E’n tanto studio l’alma si dilegua,
Basta che sia si nobilmente accesa !

Bruno trouvait un riche fonds de contrastes dans sa nature et dans sa destinée. Tendance idéale et besoin passionné de connaissance d’une part ; sentiment fantastique de sa valeur et ardeur sensuelle d’autre part, c’étaient assez de problèmes à résoudre et assez d’écueils où pouvait échouer le développement du caractère, pour ne pas parler de la situation extérieure. Et que cette situation était complexe et changeante ! Un moine fugitif, incapable de se plaire dans les pays protestants où il erra, et qui jugeait le protestantisme avec plus de rigueur que l’Église qui l’avait chassé ! Un penseur dont l’ambition était de renverser tous les systèmes établis pour se dévouer à un système nouveau, que sa pensée aspirait sans cesse à construire et qui ne fut pas compris des contemporains ! Un méridional qui dans le Nord de l’Europe se figurait être à l’étranger au milieu de barbares ! —

Après un séjour de deux ans en Angleterre, Bruno revint avec l’ambassadeur de France à Paris, où il tenta vainement pour la deuxième fois de se rapprocher de l’Église catholique. Il soutint publiquement à l’Université une dispute où il s’attaquait à la philosophie d’Aristote et défendait la nouvelle conception du monde. Il se fait l’apôtre de la liberté de pensée en termes forts et clairs. L’invitation à cette dispute (Acrotismus, imprimé probablement d’abord à Paris en 1586, puis à Wittenberg en 1888) est un des écrits les plus clairs de Bruno. Elle donne sous une forme concise les idées les plus importantes développées dans les dialogues en italien. Peu de temps après cette dispute il quitta Paris, probablement à cause des troubles politiques. Ensuite il erra dans plusieurs Universités allemandes. À Marburg on lui refusa le droit d’enseigner, ce qui eut pour conséquence une scène violente avec le Recteur de l’Université, qui le biffa de la liste des étudiants où son nom était déjà inscrit. Il fut probablement exclu comme catho-