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cause des innovations qu’il préméditait. Pour bien comprendre les rapports de Bruno avec le catholicisme, il est bon de remarquer qu’à Toulouse il fit déjà des démarches pour rentrer dans le giron de l’Église catholique, démarches qu’il renouvela ensuite à Paris. Il croyait pouvoir vivre en bonne intelligence avec l’Église sans rentrer dans un couvent. Il n’a pas dû probablement regarder ses rapports avec l’Église comme rompus. Il croyait pouvoir unir la substance du christianisme avec ses nouvelles idées, s’imaginant que l’Église pouvait permettre l’explication des thèses dogmatiques qui était un des postulats de cette réconciliation. L’impression de répulsion qu’il avait gardée du protestantisme, entretenait chez lui le besoin de s’unir à l’Église délaissée, bien qu’il pensât qu’elle eût besoin d’une réforme radicale. Mais on lui indiqua comme première condition — à Toulouse comme à Paris — de rentrer dans son couvent, ce à quoi il ne put se résoudre. Son désir était de vivre dans le silence pour ses études, sans se soumettre de nouveau à la discipline claustrale. — Cette façon de concevoir les rapports de Bruno avec le catholicisme est corroborée par les déclarations qu’il fit aux interrogatoires de l’Inquisition et du reste son retour en Italie ne se comprend qu’à cette condition.

Lorsque la guerre civile eut mis un terme à l’enseignement de Bruno à l’Université de Toulouse, il alla à Paris (1581), où il eut un vif succès comme professeur. Outre des sujets scolastiques, il exposa ce qu’on appelait l’art de Lulle, sorte de schématisme de la pensée qui l’occupa beaucoup, et qu’il traita dans toute une série d’écrits, ainsi que la mnémotechnie, à laquelle il attachait également une grande importance. Le roi Henri III le manda auprès de lui pour se faire donner des éclaircissements sur ses idées. Il gagna la faveur du roi et sur sa recommandation entra, après être allé en Angleterre en 1583, chez l’ambassadeur de France, le marquis de Castelnau. Dans les écrits qu’il publia à Londres il vante en termes élevés l’hospitalité et la culture distinguée de l’ambassadeur et de sa famille. Il était moins satisfait des Anglais, qui lui faisaient l’impression de barbares. Les savants eux-mêmes ne faisaient généralement pas exception. C’est