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pas mis fin à la dure famine, mais j’importe, moi, de la marchandise de Tyr à l’usage du peuple, et Thalès ne vous fait pas plus cadeau de son froment que je ne vous livre mes femmes pour rien. Sans doute il passe la mer, il possède un manteau de trois mines attiques, et moi je reste dans le pays à traîner un vêtement râpé et de vieux chaussons ; mais s’il s’arroge pour cela le droit d’enlever une de mes femmes contre mon gré, et cela de nuit, c’en est fait de la sécurité de la ville, citoyens, et cette liberté dont vous êtes si fiers, Thalès va l’anéantir. Il devrait bien plutôt savoir le peu qu’il est, songer de quel limon il est pétri, et vivre comme moi dans la crainte des hommes du peuple, même des plus humbles. Cependant les gros bonnets de la ville, des gens bien plus huppés que ce Thalès, sont pleins de respect pour les lois : quoique étranger, aucun citoyen ne m’a jamais frappé, aucun n’est venu nuitamment à ma porte avec des torches, n’a mis le feu à la maison, ni enlevé de force une de mes femmes. Eh bien, citoyens, ce Phrygien[1] qui se donne aujourd’hui le nom de Thalès et

  1. Ce Phrygien. Il est à peine besoin de faire observer que le nom d’Artimmès a une physionomie barbare. Thalès est au contraire un nom glorieux que « le Phrygien » est indigne de porter.