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du signe particulier qui évoque dans notre imagination tout un personnage ou toute une scène. Et ce n’est pas là, comme on pourrait le croire, l’indice d’un genre inférieur : le geste trahit le sentiment et laisse deviner l’âme. Il est à peu près impossible de faire des tableaux de mœurs sans rien laisser voir des caractères : de là vient que l’auteur des mimes ne nous montre pas seulement le ridicule extérieur ; son observation va plus loin, et tel de ses personnages, Bitinna, par exemple, représente bien la passion dans ses inconséquences, dans ses alternatives de violence et de faiblesse.

Mais ce qui distingue nettement Hérondas de nos poètes contemporains, c’est l’impersonnalité de son art. Il nous montre sans doute le peuple, mais il le fait avec une indifférence absolue, sans laisser voir le moindre intérêt pour ses héros. Il ne dirait jamais :

Les humbles, les vaincus résignés de la vie,
Restent mes préférés toujours[1].

Il ne témoignerait pas non plus à un petit-fils de Battaros la même admiration attendrie qu’un autre de nos poètes contemporains. Il se cache derrière ses personnages, et l’on ne peut objecter que le mime est un drame en raccourci, car il est fort

  1. Fr. Coppée, Contes en vers, V.