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tout entière. Si le crime de Thalès reste impuni, c’en est fait de la sécurité de la ville et de cette liberté dont Cos est si fière. Après ces tirades éloquentes sur l’intérêt public et sur la sainteté des lois, Battaros, à l’exemple des orateurs attiques, fait des retours offensifs contre son adversaire, il attaque la vie privée du bandit qui vit sous un nom d’emprunt. Ce prétendu Thalès est Phrygien, et son vrai nom est Artimmès : « Il devrait donc savoir le peu qu’il est, songer de quelle boue il est pétri, et vivre comme moi dans la crainte des hommes du peuple, même des plus humbles ». Notre grand orateur s’avise enfin d’un procédé qui a réussi quelquefois auprès des juges : il fait paraître Myrtalé, la victime de Thalès, il veut qu’elle se montre devant eux dans l’état pitoyable où le Phrygien l’a mise ; la pauvre fille n’a, paraît-il, plus un cheveu, depuis la scène de violence. Myrtalé n’ose avancer : la vue de ce tribunal et cette foule qui l’entoure l’intimident sans doute ; mais Battaros l’encourage, il l’engage à voir dans les juges « des pères ou des frères ». C’est là sans aucun doute le mot le plus réussi de tout le morceau. Il n’est pas seulement plaisant par son impudence naïve, il nous évoque toute une scène : Battaros se tournant vers Myrtalé d’un air attendri, tandis que la physionomie des juges témoigne assez de leurs sentiments sur cette flatteuse parenté.

À ce discours si plein d’éloquence il fallait une