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le mérite particulier de ce morceau : l’admiration naïve de ces femmes est rendue de la façon la plus naturelle et la plus plaisante. Leur langage est souvent très vulgaire, mais il exprime fort énergiquement leurs impressions. Elles jugent très sainement les tableaux et les statues : ce qu’elles admirent le plus en eux, c’est la vie ; quand l’œuvre d’art leur en donne l’illusion, quand l’expression est juste et que les chairs semblent palpiter, elles se récrient d’admiration, et veulent que tout le monde partage leur enthousiasme : « Qui peut voir les tableaux d’Apelle sans rester bouche bée, comme de juste, mérite d’être pendu par un pied dans l’atelier d’un foulon ». Elles vont donc jusqu’à l’intolérance, leur admiration n’est pas seulement sincère, elle est aussi passionnée. Cette passion leur appartient-elle tout entière, il est difficile de l’admettre. L’auteur des mimes parle rarement par la bouche de ses personnages, il s’efface toujours devant eux, mais il semble dans le cas présent qu’il soit moins absent de son œuvre. C’est sa pensée qu’il fait exprimer par les deux amies ; parmi les sculpteurs, il admire surtout les fils de Praxitèle, et le peintre qu’il préfère est le grand Apelle. Nous avons déjà vu Kunno prendre à partie ceux que les œuvres du peintre laissent indifférents ; cette vivacité, cette humeur batailleuse s’expliquent sans doute chez une femme du peuple,