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boiteuse de son vers est une sorte d’accompagnement ironique.

Hérondas se rapproche encore du poète d’Éphèse par la nature même de son talent. L’auteur des mimes se plaît à copier les mœurs et le langage du peuple, or Hipponax vit et parle lui-même comme un gueux. Plus que tout autre satirique, il a fait de ses vers les confidents de sa misère : le froid le fait grelotter, il n’a pas de manteau pour se couvrir : de là ses continuelles plaintes à Hermès, le dieu des trouvailles et des bonnes aubaines : « Jamais tu ne m’as donné, lui dit-il, un épais manteau pour me préserver du froid de l’hiver ; jamais tu ne m’as mis aux pieds des souliers bien chauds pour empêcher mes engelures de crever[1] ». Ailleurs il accuse Ploutos qui n’est jamais venu lui dire : « Tiens, Hipponax, voici trente mines d’argent[2] ». Quand son estomac crie famine, il prend plaisir, par dérision, à énumérer des victuailles : il s’amuse de sa propre misère ; ou bien, dans une apostrophe pressante (adressée peut-être à Hermès) il réclame de quoi rassasier sa faim. On ne peut s’empêcher en lisant ses vers de songer à Villon et aux Repues franches. Ce que le poète gueux et vagabond demande si souvent au dieu des voleurs, ce ne sont pas sans doute ces

  1. Bergk, fragment 19.
  2. Ibid., fragment 20.