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traité en partie le même sujet, loin d’en être découragé, il osa lutter contre eux, et ne se flatta pas en vain de les surpasser. Il se proposa d’écrire, non l’histoire de Perse, mais seulement celle de la guerre que les Grecs eurent à soutenir contre les Perses. Ce sujet, simple en apparence, lui fournit l’occasion de faire entrer dans le même tableau l’histoire de la plupart des peuples avec qui les Grecs avaient des rapports intimes, ou qu’il leur importait de connaître. Il sentit que, pour exécuter ce plan, il devait recueillir des matériaux, et acquérir une exacte connaissance des pays dont il se proposait de faire la description. Ce fut dans cette vue qu’il entreprit ses voyages, qu’il parcourut la Grèce entière, l’Épire, la Macédoine, la Thrace ; et, d’après son propre témoignage, l’on ne peut douter qu’il n’ait passé de la Thrace chez les Scythes, au delà de l’Ister et du Borysthène. Partout il observa d’un œil curieux les sites, les distances des lieux, les productions des pays, les usages, les mœurs, la religion des peuples ; il puisa dans leurs archives et dans leurs inscriptions les faits importants, les suites des rois, les généalogies des illustres personnages ; et partout il se lia avec les hommes les plus instruits, et se plut à les consulter dans toutes les occasions.

Peut-être se contenta-t-il dans ce premier voyage de visiter la Grèce, et que, s’étant ensuite rendu en Égypte, il passa de là en Asie, de l’Asie en Colchide, dans la Scythie, la Thrace, la Macédoine, et qu’il retourna en Grèce par l’Épire. Quoi qu’il en soit, l’Égypte, qui même encore aujourd’hui fait l’étonnement et l’admiration des voyageurs intelligents, ne pouvait manquer d’entrer dans le plan d’Hérodote. Hécatée y avait voyagé avant lui, et, suivant toutes les apparences, il en avait donné une description. Porphyre prétend que cet historien s’était approprié, du Voyage de l’Asie de cet écrivain, la description du phénix et de l’hippopotame, avec la chasse du crocodile, et qu’il n’y avait fait que quelques changements : mais le témoignage de Porphyre est d’autant plus suspect, que Callimaque attribue ce Voyage de l’Asie à un écrivain obscur. J’ajoute, avec M. Walckenaër, que, si cet historien se fût rendu coupable de ce plagiat, Plutarque, qui a composé un traité contre lui, n’eût pas manqué de lui en faire un crime.

Nous n’avons aucun écrivain, soit ancien, soit moderne, qui ait donné de ce pays une description aussi exacte et aussi curieuse. Il nous en a fait connaître la géographie avec une exactitude que n’ont pas toujours eue les géographes de profession, les productions du pays, les mœurs, les usages et la religion de ses habitants, et l’histoire des derniers princes avant la conquête des Perses, avec des particularités intéressantes sur cette conquête, qui eussent été à jamais perdues s’il ne les eût pas transmises à la postérité.