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LXXXI. Le siège commencé, Crésus croyant qu’il traînerait en longueur, fit partir de la citadelle de nouveaux ambassadeurs vers ses alliés. Les premiers n’avaient fixé le rendez-vous à Sardes qu’au cinquième mois ; mais, ce prince étant assiégé, ceux-ci avaient mission de demander le plus prompt secours.

LXXXII. Il envoya vers différentes villes alliées, et particulièrement à Lacédémone. Dans ce même temps, il était aussi survenu une querelle entre les Spartiates et les Argiens, au sujet du lieu nommé Thyrée. Ce canton faisait partie de l’Argolide ; mais les Lacédémoniens l’en avaient retranché, et se l’étaient approprié. Tout le pays vers l’occident jusqu’à Malée appartenait aussi aux Argiens, tant en terre ferme que l’île de Cythère et les autres îles. Les Argiens étant venus au secours du territoire qu’on leur avait enlevé, on convint dans un pourparler qu’on ferait combattre trois cents hommes de chaque côté ; que ce territoire demeurerait au vainqueur ; que les deux armées ne seraient pas présentes au combat, mais se retireraient chacune dans son pays, de peur que le parti qui aurait le dessous ne fût secouru par les siens.

Les deux armées se retirèrent après cet accord, et il ne resta que les guerriers choisis de part et d’autre. Ils combattirent des deux côtés avec tant d’égalité, que de six cents hommes il n’en resta que trois : Alcénor et Chromius du côté des Argiens, et Othryades de celui des Lacédémoniens ; et encore fallut-il que la nuit les séparât. Les deux Argiens coururent à Argos annoncer leur victoire. Pendant ce temps-là, Othryades, guerrier des Lacédémoniens, dépouilla les Argiens tués dans le combat, porta leurs armes à son camp, et se tint dans son poste. Le lendemain, les deux armées arrivent : instruites de l’événement, elles s’attribuent quelque temps la victoire : les Argiens, parce qu’ils avaient l’avantage du nombre ; les Lacédémoniens, parce que les combattants d’Argos avaient pris la fuite tandis que leur guerrier était resté dans son poste, et qu’il avait dépouillé leurs morts. Enfin, la dispute s’étant échauffée, on en vint aux mains ; et, après une perte considérable de part et d’autre, les Lacédémoniens furent vainqueurs.

Depuis ce temps-là, les Argiens, qui jusqu’alors portaient les cheveux longs, se rasèrent la tête ; ils rendirent une loi et décrétèrent des malédictions contre tout Argien qui laisserait