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més, et le docteur Shaw en particulier, ne permettent pas de douter qu’il n’ait vu ce pays par lui-même. On est encore tenté de croire qu’il a été à Carthage ; ses entretiens avec un assez grand nombre de Carthaginois autorise cette opinion. Il revint sans doute par la même route en Égypte, et de là enfin il passa à Tyr, comme on l’a dit.

Après quelque séjour dans cette superbe ville, il visita la Palestine, où il vit les colonnes qu’y avait fait élever Sésostris ; et sur ces colonnes il remarqua l’emblème qui caractérisait la lâcheté de ses habitants. De là il se rendit à Babylone, qui était alors la ville la plus magnifique et la plus opulente qu’il y eût dans le monde. Je sais que plusieurs personnes éclairées, et M. des Vignoles entre autres, doutent qu’Hérodote ait jamais voyagé en Assyrie. Je ne puis mieux répondre à ce savant respectable qu’en me servant des propres termes d’un autre savant qui ne l’était pas moins, je veux dire M. le président Bouhier. Voici comment il s’exprime : « Quoique les passages d’Hérodote qui ont fait croire à beaucoup de gens qu’il avait été réellement à Babylone, ne soient pas bien clairs, il n’est presque pas possible de douter qu’il ne l’ait vue, si on veut prendre la peine d’examiner la description exacte qu’il fait en ces endroits de toutes les singularités de cette grande ville et de ses habitants. Il n’y a guère qu’un témoin oculaire qui en puisse parler avec autant de précision, surtout dans un temps où aucun autre Grec n’avait encore rien écrit là-dessus.

De plus, qu’on fasse attention à la manière dont il parle d’une statue d’or massif de Jupiter Bélus, qui était dans Babylone, et qui avait douze coudées de hauteur. En avouant qu’il ne l’a pas vue, parce que le roi Xerxès l’avait fait enlever, n’est-ce pas insinuer tacitement qu’il avait vu toutes les autres choses qu’il dit être dans cette grande ville? Il est aisé aussi de reconnaître, par divers autres passages de son ouvrage, qu’il avait conféré sur les lieux avec des Babyloniens et des Perses sur ce qui regardait leur religion et leur histoire. D’ailleurs, il n’est guère vraisemblable qu’un homme qui avait parcouru tant de différents pays pour s’instruire de tout ce qui pouvait les concerner, eût négligé d’aller voir une ville qui passait alors pour la plus belle du monde, et où il pouvait recueillir les mémoires les plus sûrs pour l’histoire qu’il préparait de la haute Asie, surtout en ayant approché de si près. »

La Colchide fut le dernier pays de l’Asie qu’il parcourut. Il voulait s’assurer par lui-même si les Colchidiens étaient Égyptiens d’origine, comme on le lui avait dit en Égypte, et s’ils étaient les descendants d’une petite armée de Sésostris qui s’était établie dans ce pays. De la Colchide il passa chez les Scythes et chez les Gètes, de là en Thrace, de la Thrace en Macédoine ; et enfin il revint en Grèce par l’Epire. S’il n’avait pas bien connu tous ces différents